ECOLE DE CHERBOURG

Quelques dates :

 . Fin 1945, l’E.M.E (École des Marins Électriciens) s'installe à la caserne DIXMUDE sous le commandement du C.F DELORT-LAVAL.

 . 1950 : l'école de sécurité est créée

 . 1951 : l'école de sécurité est rattachée à l’E.M.E ; cet ensemble s'appellera désormais l’E.M.E.S. (Ecole des Marins Électriciens de Sécurité) et son premier commandant   est le CF BELLET.

 . 1966 : les effectifs de l’E. M. E. S. ne cessant de croître, on aménage des logements et des salles de cours dans le fort de QUERQUEVILLE.

 . 1969-1972 : les effectifs deviennent encore plus importants : au cours de B.S, il y avait 15 élèves en 1969, il y en a plus de 50 en 1972.

À la caserne Dixmude, les installations « vie » sont bientôt insuffisantes, et le manque de confort est évident.

On n’attend plus désormais que la construction du C.I.N pour transférer l’E.M.E.S.


 
École des marins électriciens - sécurité de QUERQUEVILLE.

Installée à Querqueville, à quelques kilomètres de Cherbourg, l’E. M. E. S. s'adossait à la terre normande. Elle s'ouvrait sur la rade fameuse, en se complétant d'un navire à sec : Le LUCIFER, dont le nom de baptême était à lui seul un vaste programme.

 

Il y avait deux écoles ; depuis 1945, l'école des Électriciens et à partir de 1951, l'école de sécurité. Cette caserne n'avait pas toujours été Marine. Sa construction remontait en réalité à 1895. Elle avait pour mission d'abriter le corps expéditionnaire de Madagascar. Toutefois la Marine, à qui elle fut officiellement remise beaucoup plus tard, voulu y honorer ses glorieux fusiliers de 1914–1918, (composés de marins de diverses spécialités dont des apprentis mécaniciens de Lorient), du nom de la petite localité belge, témoin de leurs exploits.

 

Fureur et bruits : aux yeux des riverains, l’E. M. E. S. devait constituer un monde marin étrange et fascinant. Car si le domaine de l'électricité restait très discret, celui de la sécurité, s'entourait de fracas divers, de feux, de détonations et de fumigènes. Vu de la petite baie de Sainte-Anne, le spectacle devait même parfois surprendre. On imagine le pêcheur nocturne, tranquillement assis sur sa barcasse par une belle nuit d'été, brusquement réveillé par l'exercice de nuit qu'un Ingénieur de Marine facétieux avait subitement déclenché à bord du vieux LUCIFER. En quelques secondes, le navire échoué devenait le siège d'incendies répétés qui ravageaient ses hauts et ronflaient dans ses fonds, tandis que les stagiaires tout ensommeillés se précipitaient en hurlant dans la fumée et la pétarade, encouragés par les porte-voix de leurs instructeurs. Soudain tout se taisait ! Les hommes rentraient vers leur dortoir ; le calme revenait dans la petite baie et les pêcheurs retournaient à leurs activités.

 

Dans les années 50 l'école abritait en moyenne 700 hommes. Le personnel permanent était d'environ 20 officiers, 200 officiers-mariniers et matelots ; le nombre d'élèves variait selon les promotions en instruction ; on comptait en moyenne 450 élèves équipage et de 20 à 70 officiers. Pour les électriciens, la durée minimum des stages était de quatre mois pour la sécurité elle n’était parfois que de 15 jours.

 

L'extension de Querqueville s'était opérée de manière continue depuis la création de l'école de sécurité en 1951. En particulier, un grand bâtiment de 800 m2 et de deux étages était venu compléter l'établissement. Le pavillon « Maurice de Broglie » comportait des salles de conférence et des laboratoires ultramodernes dont ceux de physique nucléaire et de chimie, ce qui laissait entrevoir le virage pris par la sécurité. En liaison avec l'Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires, l'école formait le personnel de la Marine qui participait aux expériences françaises du Pacifique.

 

Nota : Maurice de Broglie, expérimentateur de génie, passionné d’électricité et de physique nucléaire était entré et sorti premier de l’École Navale. C’est à lui que l’on doit la communication télégraphique entre les navires et les solutions de transmission entre sous-marins ; plus tard il se consacra à la physique moderne. Il est mort en 1960 à l’âge de 85 ans.

 

L'école des électriciens

Jusqu'à la deuxième guerre mondiale la formation des électriciens fut assurée à bord de cuirassés trop anciens pour naviguer. Ce fut l'époque des casernes flottantes, le « Saint-Louis », « le Magenta », « la Patrie », « le Condorcet » et enfin « l'Océan ».

 

Après une interruption en 1940, l'école renaît à Casablanca où l'on mit à sa disposition le bâtiment de ligne « Jean Bart », qui avait été endommagé par les Américains. Le « Jean Bart » assura la formation accélérée des officiers et des brevetés électriciens.

 

En 1945 le bâtiment gagna Cherbourg pour y subir un grand carénage. De la forme du Homet, l'école des électriciens fut transférée à Querqueville car on prenait conscience du manque de place à bord.

 

La seconde guerre mondiale avait permis une foudroyante progression des techniques; bientôt l'électricité s'appliqua à tous les domaines de la vie embarquée ; depuis 1945 les électriciens assurent la distribution et l'utilisation de l'énergie électrique fournit par les différentes centrales des bords mais ils doivent aussi apprendre à bien connaître des appareils complexes tels que guindeaux et treuils, ascenseurs et monte-charges, traceurs de route et compas gyroscopiques.

 

L'école était installée dans une trentaine de constructions identiques entourant une pelouse centrale. Ces bâtiments étaient surmontés de toits de briques rouges et chaque porche portait le nom d'un physicien célèbre. Cependant parmi ces noms, on découvrait parfois celui d’un matelot, d'un quartier-maître ou d'un officier tragiquement disparu : « Levasseur », « de Bast », « Courbet », « Rossignol », avoisinaient ainsi avec « Foucault», «Ampères», « Volta » et « Monge ». On lisait aussi au-dessus de la porte d'entrée d'un amphithéâtre : « matelot électricien Jean-Pierre GLORION, né le 20 Novembre 1927 à Ploumillau, Côtes du Nord, embarqué sur le sous-marin 2.236, disparu avec son bâtiment au cours d'une plongée au large de Toulon le 5 décembre 1946 ».

 

Chaque bâtiment possédait une fonction qu'il lui était propre, il était souvent divisé en boxes : un pour les accumulateurs, un autre pour le dépannage, tandis que de nombreux et complexes appareils étaient disposés sur des panneaux de plusieurs mètres. Monge était le sanctuaire de l'électronique, Ampères, celui du courant alternatif, Foucault, celui du courant continu.

 

L'école de sécurité

Toutes les Marines ont laissé paraître au début du deuxième conflit mondial leurs notoires insuffisances en matière de sécurité déclarait l'ingénieur principal de Marine TANDEO Directeur des études de l'école de sécurité de Querqueville en 1966.

 

La doctrine était erronée, la sécurité avait été très centralisée à bord des bâtiments. Le PC sécurité était remarquablement étudié mais à la suite de la destruction des moyens de liaison avec les parties du navire touchées par l'ennemi, il devenait aveugle. Les Américains, les premiers, ont découvert ainsi que la sécurité du navire était l'affaire de tous. Il ne fallait pas se contenter de favoriser quelques spécialistes de la sécurité : l'essentiel était que des marins appartenant à différentes spécialités soient capables d'intervenir rapidement là où l'incident éclate et risque de prendre un tour catastrophique.

 

L'école de sécurité a été marquée par le passage à Querqueville du CV BELLET, une grande figure de la Marine nationale, qui servit sous l’HERMINIER à bord du sous-marin « Casabianca ». Il aura été le père de la sécurité en France, comme il a été aussi le père de l'École Atomique. C'est en effet dans le rapport de 300 pages qu'il ramena de Philadelphie, à l'issue de son stage dans la principale école de sécurité de l’U.S NAVY, que l'on trouve les principes qui ont régis le nouveau Centre d'entraînement français.

 

Ce qui compte c'est la préparation des matelots, des gradés et des officiers contre les avaries graves aux combats et les défaillances du matériel.

 

De 1962 à 1966, on était passé de 86 stagiaires gradés à 450 ; le nombre de spécialistes avait quintuplé en quatre ans il y avait en 1966 près de 250 stagiaires officiers contre seulement 175 en 1962. L'instruction était également ouverte à d'autres populations comme par exemple la Marine marchande.

 

Les exercices sur le LUCIFER

C'est en mars 1952 qu'un ancien dragueur allemand fut échoué en baie de Sainte-Anne. Auparavant, il avait attendu dans l'arsenal la vente des domaines qui devait le livrer aux chalumeaux. On décida toutefois de lui donner une fin plus lente quoique tout aussi pénible. Le vieux M. 277 de la Kriegsmarine fut l'objet d'aménagements divers pour la réalisation d'exercices.

 

En 1967 il cédera la place à l'ancienne frégate française F.N.F.L « la DÉCOUVERTE », corvette britannique « HMS WINDRUSH » confiée aux marins ralliés au Général de GAULLE en 1943. Navire glorieux, il mènera de nombreuses missions de guerre, participera au Débarquement et ensuite en appui pour la réduction des poches de résistance allemandes ; puis ce sera l’Indochine et l’assistance à Terre-Neuve.

 

Le flux et le reflux de la mer laissaient le Lucifer « au sec » 2 fois par jour. Quotidiennement les incendies faisaient rage à bord, l'eau envahissait sournoisement les cales, son bordé et ses cloisonnements étaient avariés pour le seul plaisir d'être ensuite réparés. Dans une ambiance entretenue par les pétards, les fumigènes, les ampoules de bromure de benzyle, les stagiaires se ruaient aux postes de combat, luttant contre le feu, contre l'eau et contre l'anxiété. Les charpentiers apprenaient à réparer en catastrophe, les électriciens apprenaient à installer des réseaux de secours et tout le monde se pressait en groupe compact pour se battre contre les infortunes de mer, pour transporter et évacuer les blessés fictifs, pour désinfecter ou assainir les locaux contaminés.

 

 

La baie de Sainte Anne, on aperçoit Le Lucifer

Le réalisme des exercices était tel que parfois un stagiaire s'affolait ; les passages au feu en vêtement d'amiante étaient pénibles ; la recherche des mannequins dans les compartiments était une mission délicate ; il n'était pas rare qu'un stagiaire se mette à hurler, piégé par ses instructeurs. Un jour, on mis une réserve de sang animal sur un pseudo blessé ! « Un officier de la Marine marchande, ramenant le corps inanimé de son meilleur ami, insultât copieusement l’État-major, l'accusant d'avoir fait des orphelins ! ».

Aujourd'hui, le Lucifer est en cours de découpage à Querqueville. Cette opération est menée avec un objectif de 0 pollution ce qui conduit les responsables de l'opération à assécher une zone, tout autour du navire; la terre, le sable et les déchets de cette zone seront à l'issue excavés et transportés dans une décharge contrôlée.

(Source : service historique de la Marine à Cherbourg et un texte de M. René MOIRAND)

 

Nota :

Cet historique date et demande à être complété ! Depuis 1972, un Centre d’Instruction Naval a été construit et jusqu’en 2001 il intégrait les anciennes installations avec d’autres fonctions comme la formation de base des engagés, la formation du personnel féminin et… ? Depuis, le C.I.N est devenu un Centre interarmes des métiers de bouche (cuisiniers, maîtres d’hôtel…etc.) et la formation des électriciens et électromécaniciens de sécurité se fait au C.I.N de St Mandrier.